1. Déshabiller Pierre pour habiller Paul
Mon client possédait dans sa bibliothèque un bel exemplaire d’Aphrodite, de Pierre Louÿs, relié en plein cuir mosaïqué… en revanche, l’état du papier à l’intérieur laissait franchement à désirer. Mon client a donc eu l’idée de chercher un autre exemplaire à la couverture sans intérêt particulier, mais au corps d’ouvrage (le bloc papier) en bon état ! Il a trouvé, à ceci près que le 2e livre était légèrement plus haut que le premier, et son dos légèrement moins épais…
Il m’a donc fallu séparer les deux couvertures des deux corps d’ouvrage. D’un côté, le cuir a reçu un soin pour arrêter l’usure et rendre un peu d’éclat aux couleurs ternies par le temps. De l’autre, j’ai intégralement démonté les cahiers constituant le livre pour les recouper à la bonne taille – en alternant les longueurs de coupe pour un effet moins « net », qui aurait juré avec la couverture ancienne. Puis recousu, avec un fil un peu gros pour rattraper la différence d’épaisseur, et refait l’arrondi du dos : c’était là le plus gros point de difficulté. Le dos du corps d’ouvrage ne devait être ni trop large, ni trop peu, pour rentrer dans l’arrondi du cuir tout en le remplissant bien…
Mission accomplie finalement, Aphrodite peut se mirer en se sachant aussi belle de dehors que de dedans.
2. Un peu de maroquinerie
Ici c‘est une jolie boîte à bijoux qui m’a été amenée, avec la charnière fendue. Coup de chance, les dégâts étaient à l’extérieur, le capitonnage intérieur était intact. J’ai donc découpé le cuir en suivant les dorures décoratives, pour replacer une nouvelle pièce d’un seul tenant, de couleur et épaisseur équivalente. Un peu de teinture pour se rapprocher des mouchetures d’origine, et le tour était joué. On devine encore la jointure entre le cuir neuf et le cuir ancien, ce n’est pas une restauration !
3. Mettre les petits plats dans les grands
Nouvelle affaire de format : l’un de mes clients, passionnés de gravure, possède un ouvrage en 21 volumes ayant pour but de recenser les gravures reproduisant des œuvres de peintres, réalisées par les peintres eux-mêmes – l’ouvrage, dont cette édition date de 1821, a pour but de servir de référence et de déjouer les copieurs ultérieurs. Mais… l’auteur a ajouté par la suite un petit supplément broché. Mon client souhaitait intégrer ce broché aux 21 autres volumes, sans le modifier. La solution : un étui pastiche, confectionné aux dimensions des volumes de références !
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Une chemise cartonnée et un ruban permettent de faire coulisser le broché dans l’étui sans l’abîmer. Les dorures ont été réalisées par mes partenaires habituels, Eloïse et Alexandre de l’atelier La Feuille d’Or ; quant aux papiers, ils ont été réalisés sur mesure par Frédérique Pelletier.
4. Étui Ikea
Cette fois-ci, j’ai reçu mon travail en kit à monter. Le client avait conservé les éléments d’un étui démantibulé (à l’exception du fond manquant), et souhaitait le reconstituer – exemplaire d’un autre tome intact fourni en modèle. La difficulté ? La précision. Il m’a fallu dégager un espace le long de chaque arête des éléments de l’étui, pour y loger une toile, plus solide qu’un papier pour maintenir la cohésion, mais surtout coupée aux bonnes dimensions.
5. Reliures à cahiers uniques
Enfin, cette commande a été atypique autant pour son contenant que pour son contenu. Il s’agissait de relier 2 exemplaires de format différent du même document, constitué d’un seul cahier à chaque fois : la constitution de 1793… Impression d’époque ! Détail amusant, l’exemplaire le plus petit était conservé dans un ancien emballage de macaronis.
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J’ai proposé deux petites reliures à cahier unique ; les documents sont cousus sur des onglets de tissus, ce qui fait qu’aucun dommage ne leur a été causé hormis les trous pour passer le fil. Si l’on veut les récupérer un jour, il suffit de couper le fil ! Et j’ai enfin eu l’occasion d’utiliser ce superbe papier, marbré par Claire Guillot, qui attendait d’accrocher l’œil d’un client ! 🙂
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5 ans, 5 commandes un peu atypiques… En attendant les prochains défis qui se présenteront sur mon établi, j’espère que ce petit aperçu des travaux de l’atelier vous a plu ! Et comme nous voilà fin décembre, j’en profite pour vous présenter mes meilleurs vœux pour une année 2025 où livres et patrimoine seront à l’honneur. À bientôt !