La reliure traditionnelle passe par une série d’étapes bien précises. On commence avec la plaçure, qui consiste à préparer les feuillets pour les rendre « reliables » dans de bonnes conditions.

Les carnets qui constituent le matériel d’origine sont démontés, chaque feuillet séparé et numéroté pour ne pas risquer de les remonter dans le désordre : c’est le débrochage.

Les carnets n’ayant pas tous exactement la même taille, je recoupe tous les feuillets au massicot pour obtenir un bloc régulier, en prenant garde à la répartition des marges ; il s’agit de l’ébarbage.

J’ajoute au bloc deux cahiers de gardes blanches qui encadreront le volume, et deux feuillets de papier kraft qui protégeront l’ouvrage durant sa fabrication.

Puis c’est la mise en presse de plaçure : 12h en presse à percussion pour pouvoir travailler sur un bloc « au carré » !
2e étape: la couture, un peu compliquée ici parce que les feuillets qui composent les carnets sont simples et non doubles. Pour pouvoir les coudre tous ensemble, il va d’abord falloir les réunir en cahiers surjetés.

Mais avant tout, c’est le grecquage : le bloc est placé dans un étau, dos vers le haut, et des sillons creusés à l’aide d’une scie. Les ficelles support de couture viendront se loger dans ces sillons sans faire de bosse sur le dos du livre.
Ensuite, c’est donc le surjetage : les feuillets sont réunis par dizaines (environ), percés puis rassemblés à l’aide d’une aiguillée de fil de couture.

Vient la couture proprement dite, réalisée cahier par cahier sur 3 ficelles de chanvre tendues sur le cousoir. Ce sont ces ficelles qui viennent se loger dans les grecquages et donnent, en même temps, un peu de rigidité au bloc.
Ce n’est que le début ! Après la couture, vient le corps d’ouvrage.

Retour dans l’étau pour l’endossure, au cours de laquelle le dos est façonné par un martelage prudent. Il s’agit d’obtenir une belle forme en « champignon », qui assurera un dos arrondi esthétique et solide, ainsi que l’espace nécessaire au logement des cartons de la couverture.

Les cartons qui formeront la couverture (on parle des plats) sont découpés à la bonne taille, percés, et les ficelles de couture épointées.

C’est ensuite la passure en carton, qui assure la cohésion de la reliure. C’est à cette étape que le bloc papier est relié à ses plats ! Les ficelles passent à travers les cartons et sont aplaties et collées côté intérieur.

Les plats subissent ensuite un cambrage : un papier kraft est collé sur leur face intérieure ; en séchant il se contracte et le plat se déforme pour créer un galbe esthétique. Suit une nouvelle mise en presse afin que le bloc prenne sa place entre ses cartons.

Dernière étape du corps d’ouvrage, une mousseline est collée sur le dos du livre, première couche d’un appareil qui aura pour but de rigidifier et lisser le dos.
Suit l’apprêture à la couvrure, dernière étape avant de dérouler le cuir. Après avoir fixé le signet (ruban ici de couleur rouge qui sert de marque-page), je réalise une tranchefile à la main. La tranchefile, c’est ce petit boudin de tissu qu’on retrouve en haut et en bas du dos du livre et qui protége son extrémité lorsqu’on l’attrape dans la bibliothèque (quoique, un lecteur soigneux attrapera son livre par les côtés du dos pour éviter, justement, d’exercer un effort sur la tranchefile 😉 ). Ici, elle est réalisée en fil de soie brodé sur deux « âmes » de papier roulé.

Un papier épais (ou papier goudron) vient ensuite recouvrir le dos et la tranchefile. En général on met deux épaisseurs, que l’on va poncer pour que le dos soit bien régulier.
Les bords extérieurs des plats sont ensuite élagués à l’aide d’une pointe aux bords coupants ; et l’on ponce (plutôt beaucoup). Objectif, ici aussi : galbe, régularité, esthétique !

Vient le blanchiment : collage d’une carte sur les plats, afin d’obtenir une surface bien plane.

Enfin on pose la carte à dos sur laquelle on colle les nerfs, petits bourrelets de cuir qui donnent au livre une esthétique classique.
Point d’orgue de la reliure, c’est le moment de la couvrure. Le cuir, ici une belle peau de chèvre couleur marine, est taillé et affiné à une épaisseur de 7/10e de mm (ça peut se faire à la main, mais honnêtement mieux vaut le porter chez un pareur, dont c’est le métier et qui dispose des machines nécessaires pour un résultat parfait). Il est ensuite collé en tension sur les plats, replié autour des nerfs à l’aide d’une pince adaptée, et rabattu sur les tranchefiles pour former une coiffe régulière.
On y est presque, c’est la dernière étape, la finissure !

Les remplis intérieurs du cuir sont égalisés, une carte collée pour en compenser l’épaisseur, et les krafts de protection sont retirés.

Puis on découpe et colle les gardes, ici un superbe papier marbré main par Claire Guillot (voir mon article sur les papiers marbrés).

Et on termine avec la mise en presse de finissure ! De nouveau 12h.
Un passage à l’atelier La Feuille d’Or permet de parachever l’ouvrage qui reçoit sa dorure et… Voilà le résultat.
Très bel ouvrage. Juste une petite question : pourquoi une ancre sur le plat supérieur ? Il s’agit pourtant de carnet individuel de services aériens. Il s’agit d’aéronavale ?
Merci beaucoup ! En effet, il s’agit d’un membre de l’aéronautique navale.
l’aéronavale fait partie intégrante de la Marine Nationale. L’ancre ne me parait pas étrangére même si une cocarde aurait été bien venue
un ancien de l’aéro
Bonjour, petite précision : ce type de motif nécessite l’utilisation d’un fer à dorer en bronze représentant le motif souhaité. L’ancre de marine est un motif facile à trouver qui semble satisfaire les aéronautes marins. La cocarde nécessiterait la réalisation d’un fleuron unique. Je dois me renseigner en septembre pour un client sur le coût de fabrication d’un fleuron représentant l’insigne de navigant de l’aéronavale. Suivant ce coût, je pourrai faire réaliser quelques fleurons « spéciaux » à condition d’être sûre d’avoir suffisamment de commandes pour que leur achat soit amorti.
Très intéressants mais un peu trop simplifié, notamment au moment de la couvrure et la finissure.
Aussi quelle colle conseillez-vous ?
A quel moment encolez- vous le dos du livre ?
Detrempez-vous la peau avant de la poser ?
Merci
Bonjour, et merci pour votre intérêt. Cet article n’a pas vocation à servir de guide pour un pratiquant, mais à présenter les étapes à grandes lignes pour les curieux non-initiés… Voilà pourquoi le processus est simplifié !
J’emploie en général les colles Elasta N et RH8.
Quant à la peau, oui, je la mouille pour la rendre plus malléable au moment de la poser.